Site Map Site Map

Un retour sur Maslacq

Visite au château de Maslacq, et identification des armes portées par la façade

François THIERRY-MIEG vous fait revenir en arrière et revisiter le château de Maslacq.

Fin septembre 2008, j’ai accompagné mon épouse Geneviève et des amis qui empruntaient l’itinéraire du GR 65, sur le parcours de Saint-Jacques-de-Compostelle, de NOGARO à Saint – Jean – Pied – de – Port ; soit 191 km. Ne marchant pas, je me suis proposé comme porteur de bagages mon 4X4 et j’avais toute la journée pour faire du tourisme dans un coin de France que je ne connaissais pas.

L’une des étapes était « MASLACQ ». Je me suis souvenu que ce village avait hébergé les Rocheux de 1941 à 1950. Nous logions à l’Hôtel Maugoubert. Le patron de l’Hôtel, monsieur d’un certain âge a bien connu cette époque des Rocheux à MASLACQ. Il n’a pu me donner grand détail, mais m’a indiqué le « Château » comme ayant hébergé le plus grand nombre de Rocheux ; d’autres, logeant dans différentes maisons du village. Des réunions de Rocheux se tiennent parfois à MASLACQ. Dans l’annuaire de l’A.E.R.N. de 2004, Monsieur Maugoubert figure parmi les membres d’honneur.

François THIERRY-MIEG (Les Pins, 1950-1955)

Détails sur les armoiries, Claude Schnéegans, Clères 53-58

Passionné moi-même de généalogie, et indirectement d'héraldique, je me suis intéressé à ces armoiries qui figurent sur le haut de la façade, et j'ai trouvé amusant d'essayer d'en retracer les origines. Je suis sûr d'ailleurs que tous les anciens qui ont été logés dans cette demeure ont rêvé d'avoir un jour cette information et d'en savoir plus sur leurs hôtes !

Blason sur le Château de Maslacq

Il s'agit de ce qu'on appelle des armes d'alliance, c'est-à-dire d'une paire de blasons représentant les armes d'un mari et de son épouse. Ces bas-reliefs ornaient d'habitude des hauts de cheminée ou des dessus de portail dans la demeure familiale, probablement construite par le couple même, ce qui est intéressant dans notre cas, car ces armes nous donneraient l'identité des tout premiers châtelains de Maslacq.
Bon nombre de ces bas-reliefs ont malheureusement été détruits lors de la révolution par un peuple en colère et par acharnement, puéril mais compréhensible, contre tout signe de noblesse.

À première vue, l'architecture même du château le situerait à une époque précédant la révolution, mais cela ne prouve pas que ces armoiries n'aient pas été ajoutées par la suite, lors de rénovations par exemple, ou tout simplement d'une acquisition. Ici, on croit distinguer les armoiries sur le fonton en haut de la façade de l'édifice, ce qui permet de penser que leur préservation à travers les débordements sous la révolution tient plus de la trouille d'aller crapahuter en haut de la façade qu'au scrupule des crapules. Aller casser du noble, d'accord, mais pas jusqu'à aller se casser la figure ! Toujours est-il qu'elles paraissent dans un état assez remarquable.

D'emblée, on remarque au dessus de la paire de blasons une couronne dont la présence témoigne du titre que portait la famille : marquis. Le fond picoté des deux blasons est un code qui indique la couleur : or. Les lignes horizontales du haut de celui de gauche (le « chef »), quant à elles, précisent azur. Pour les autres ornements, on ne peut pas voir.
À noter le détail particulièrement soigné du collier du lévrier à gauche et de la chaîne qui le relie à l'arbre. Le sculpteur n'était pas un bricoleur ! Des armoiries avec autant de détails sont plus faciles à identifier que d'autres plus simples.

Une page sur le château de Maslacq sur l'internet nous révèle :

Le château de MASLACQ fut, avant la révolution française, la résidence des abbés laïques de cette agglomération villageoise (Maslacq). Parmi les titulaires qui se sont succédés au Moyen Age, la famille d'Abbadie d'Arboucave a laissé un souvenir particulier : Elle a assumé cette fonction par filiation pendant près de 3 siècles. Puis le château fut occupé par la famille de Barbotan jusqu'au début du XX° siècle. Durant le second conflit mondial, l'Ecole des Roches s'y replia. Le château actuel est la reconstruction, en 1774, de la résidence d'origine.

À dextre*

Représentation moderne des armes d'Abadie

Une rapide recherche sur le Grand Armorial nous révèle en effet : d'Abbadie (ou Abadie) d'arbocave: D'or, à un arbre de sinople, et un lévrier de gueules accolé d'argent, attaché à l'arbre par une chaîne du même ; au chef d'azur, chargé d'un croissant d'argent, accosté de deux étoiles d'or.

Arbocave ou Arboucave est situé à environ 35km à vol d'oiseau au nord-est de Maslacq.

Tout y est en effet, y compris le collier (accolé) et la chaîne. Sur notre bas-relief, le lévrier est représenté courant ce qui peut paraître curieux pour un animal attaché, et alors que ce n'est pas précisé dans le blasonnement; peut-être peut-on y voir simplement une paresse de l'artiste qui voulait rentabiliser le modèle qu'il s'était procuré pour les trois lévriers de droite.

À sénestre

Représentation moderne des armes de Poudenx

Pour le blason de droite, la meilleure référence que j'ai pu trouver serait : Pondeux de Castillon, de Condeux : d'or à trois lévriers de gueules l'un sur l'autre.

Cette famille serait plausible, le village de Castillon se trouvant à moins de 70 km à vol d'oiseau de Maslacq. Cependant, on ne trouve aucune alliance entre cette famille et les d'Abbadie.

Des armoiries similaires appartiennent également à la famille de Chanaleilles, mais dans le Languedoc, à plus de 500 km Ce qui en fait une candidate encore moins probable.

Finalement, on trouve également ceci dans le Grand Armorial, pour les noms de Poudenx, de Saint-Cricq, de Serrelous, de Soul : d'or à trois lévriers de gueules passant l'un sur l'autre. Sur nos armoiries, les lévriers seraient plutôt courants que passants, mais enfin bon, notre sculpteur n'était peut-être décidément pas au courant de la différence, ou alors préférait-il tout simplement voir courir ces belles bêtes.

Cette dernière hypothèse est intéressante, parce qu'on trouve plusieurs unions entre cette famille et les d'Abbadie.

Anne Françoise de POUDENX épouse le 18 juin 1647 Daniel Pierre d'ABBADIE.

Madeleine Angélique de POUDENX qui épousa vers 1739 Pierre d'ABBADIE, Baron d'Arboucave - Seigneur de Maslacq.

Mais on sait que le château a été reconstruit en 1774. Si les armes étaient celles de Anne Françoise de POUDENX et Daniel Pierre d'ABBADIE, il faudrait qu'on les eût récupérées de l'ancien château pour les replacer sur le nouveau. C'est bien possible, mais semble peu probable, étant donné le parfait état dans lequel elles sont encore.

Ceci nous laisse le second couple Madeleine Angélique de POUDENX et Pierre d'ABBADIE. Par contre, Pierre avait 70 ans en 1774, et Madeleine Angélique est décédée la même année. Il est dès lors également possible que ce soit leur fils François qui entreprit la reconstruction du château, après avoir hérité de sa mère, et qu'il fit confectionner ces armes en l'honneur de ses parents.

Le mystère de la couronne

Resterait à trouver une explication à la présence de la couronne de marquis au dessus des armes. En héraldique, le titre est attaché à la famille et non à l'individu, la couronne ou le heaume font partie intégrante des armes, et même ceux qui n'ont pas le titre, portent les armes avec la couronne. De plus, dans des armes doubles correspondant à une alliance, le « timbre », c'est-à-dire le haume ou la couronne surmontant les armes est celui qui correspond au rang le plus élevé des deux familles. Cependant, la famille d'Abadie portait le titre de baron, et celle de Poudenx, le titre de vicomte, point de marquis à l'horizon. à ceci, deux explications possibles :1º L'une des deux famille a eu le titre de marquis à un moment donné, et le titre est resté attaché aux armes; 2º on a là une utilisation abusive d'une couronne de marquis, il paraîtrait que ce n'était pas pratique très rare.

Un d'Abbadie en Nouvelle France

Détail intéressant, en tous cas pour moi qui ai émigré au Canada : on trouve trace d'un certain Jean-Vincent d'Abbadie de Maslacq , baron de Saint-Castin au XVIIe siècle en Nouvelle-France. Le village de Saint-Castin, où est né notre baron, se trouve à moins de 50 km De Maslacq. Ce brave officier français, qui devait devenir un des principaux chefs abénaquis, était de bonne noblesse béarnaise. Il s'illustra par sa fidélité à la mère patrie et donna pas mal de fil à retordre à l'envahisseur anglais, ce qui le rend encore plus sympathique à mes yeux.

Fait cocasse : il y a eu un Michel Abbadie à Maslacq et Clères. Était-il un descendant du châtelin de Maslacq ?

Claude Schnéegans
Clères (1953-1958)

Note* C'est-à-dire à gauche... En héraldique, on mesure la droite et la gauche comme si on était soi-même porteur de l'écu, c'est-à-dire du blason. Donc, à dextre signifie à gauche quand on le regarde de l'extérieur, et à sénestre à droite.

 

© 2024 Le Terrain de clotte : Tous droits réservés. | Dernière mise à jour : vendredi 27 Novembre 2020 vendredi 27 Novembre 2020